Colloque international Chaire des Amériques de l’Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Paris. France. 2017
Auteur: Fabián Gutiérrez-Cortés
Résumé
Les territoires du conflit armé colombien qui a perduré pour plus de cinquante ans, connaissent actuellement de profondes mutations liées principalement à la réappropriation d’un espace public marqué par la violence et le risque. La politique publique conçue par le gouvernement du président Juan Manuel Santos – en coordination avec les groupes armés non gouvernementaux – a prévu une reconstruction et une réorganisation du territoire, à partir des programmes de participation citoyenne, de reconversion et des projets architecturaux, qui construisent une nouvelle urbanité en Colombie parmi de nouveaux modes de production spatiale.
De manière historique, l’architecture et l’urbanisme assument un rôle important dans la fabrication sociale et économique des villes, étant le résultat de pratiques multidisciplinaires et de processus démocratiques vers un habitat idéal. Dans l’histoire contemporaine, nous pouvons observer multiples exemples de conflits internationaux qui ont donné lieu à des stratégies urbaines, manifestant une régénération et une reconfiguration du territoire affecté. C’est le cas, par exemple, du plan Marshall en Europe après la Deuxième Guerre Mondiale et des architectures exogènes de la ville de Beyrouth. L’analyse d’études de cas similaires au contexte colombien, suggère déjà quelles pratiques nous devrions adopter, afin de constituer des modèles de production spatiale plus cohérents au contexte colombien.
Le conflit politique, social et armé qui s’est installé en Colombie depuis les années Soixante, a généré dans le territoire des mutations considérables, résultat de l’acquisition illégale de plus de six millions d’hectares de terrain étatique de la part de la guerrilla. Par conséquence, un déplacement interne de six millions de personnes a eu lieu, vers d’autres zones rurales et principalement vers les grandes villes, comme Bogota, Medellin et Cali.[1] Le gouvernement instaure ainsi en 2017 une politique publique en vue d’améliorer le processus de pacification avec une stratégie définie par une politique de développement agraire, une participation citoyenne plus active, des programmes de sécurité nationale et des projets urbains et architecturaux en zones sensibles[2].
Les architectures post-conflit abordent, d’une part, la fabrication matérielle des espaces publics et privés, et d’autre part, ils soulignent l’importance de construire une mémoire collective et individuelle, relative à des événements historiques donnant forme à la présence du passé dans la société, au sein d’une dynamique de construction identitaire.
La reconstruction des territoires post-conflit en Colombie, se situe dans un champ d’exploration et d’expérimentation de nouvelles stratégies urbaines et architecturales. Ces éléments mettent en évidence l’importance du rapport entre espace, histoire et société, qui doit se manifester comme un ensemble social, économique et culturel. Autour des accords de Paix de La Havane en septembre 2016 et des dialogues de Paix réalisés par le président Juan Manuel Santos pendant la durée de son mandat, divers projets architecturaux ont émergé, principalement de caractère culturel et éducationnel, proposant de nouveaux modes d’habiter ces zones démilitarisées avant occupées par la guerilla.
Nous pouvons citer les projets en cours de construction et de conception tels que : le Musée de la mémoire à Bogota, un pôle régénératif urbain ; la Colorín Colorado, un espace d’appropriation des paysans dans le territoire à la Vereda el Abejero ; la casa Chacarrá, un espace conçu pour accueillir des activités artistiques et éducatives dans la communauté du Plumón en Alto en Pereira ; et les projets de bibliothèques publiques dans le département de Pueblo Nuevo-El Orejón et la municipalité de Briceño en Antioquia, les deux situés en zones de déminage et d’enlèvement de restes explosifs[3].
Les architectures post-conflit colombiennes impliquent de repenser les modèles d’occupation du territoire rural et urbain dans un nouvel cadre spatial, politique, économique et social. Les politiques publiques configurent des stratégies à adopter dans de nouveaux scénarios participatifs, avec un control législatif qui permet d’éviter la spéculation des sols et des programmes d’emploi et de réinsertion sociale pour la population plus sensible, afin d’éviter la ségrégation et l’inégalité. Ces éléments doivent être présents dans chaque projet architectural et urbain pour reconfigurer le territoire dans lequel ils s’installent, en produisant des systèmes socio-spatiales à l’échelle nationale.
Bibliographie
(1). Ayala Tatiana, Rodriguez Ruben, Osorio Eduardo. Arquitectura y artes como medios para construir y fortalecer la Colombia del postacuerdo. Revista dearq, N°18, 2016, pp. 46-55.
(2). Muñoz Cosme Alfonso. Arquitectura y Memoria. El Patrimonio Arquitectónico y la Ley de Memoria Histórica.Revista Patrimonio cultural de España, Nº1, 2009, pp. 83-102.
(3). Palacios Marco. Entre la legitimidad y la violencia : Colombia 1875-1994. Bogotá: Grupo editorial Noma, 2003.
(4). Torres Tovar Carlos. Ciudad y hábitat en el postconlifcto en Colombia y el mundo. Revista Bitácora, N°1, 2015, pp. 7-9.
Notes
[1] Torres Tovar, Carlos, Ciudad y hábitat en el postconflicto en Colombia y el Mundo, Bitácora 25, Universidad Nacional de Colombia, 2015: pp. 7-9.
[2] Colombia. Presidencia de la Republica de Colombia. Acuerdo de diálogos por la paz de Colombia entre el gobierno nacional y el ejercito de liberación nacional. Bogotá D.C. Resolución N°047 de 2017.
[3] Selon la direction pour l’action intégrale contre les mines anti-personnelles (Daicma), ils existent 52 millions de mètres carres minés en Colombie, dont 7,2 millions de mètres carres sont situés dans le département d’Antioque avec un historial de 2,524 victimes.
Fabián Gutiérrez-Cortés
Docteur en Architecture, EDVTT Université Paris-Est, laboratoire de recherche IPRAUS (UMR AUSSER 3329 C.N.R.S.) Paris, France.
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